Ecologie libérale ou libérée ?

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  • Le 27/11/2018
  • Dans Eco

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En finir avec l'écologie libérale sans remettre en cause l’hégémonie du modèle capitaliste, la lutte contre le réchauffement climatique n’est rien d’autre qu’une diversion !

À moins de n’avoir consciemment décidé d’ignorer toute l’actualité environnementale de ces dernières semaines, vous avez probablement entendu parler du dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), paru le 7 octobre et relayé par l’ensemble de la presse française et internationale. Nouvelle mise à jour de l’horloge de l’apocalypse climatique : quand bien même les Accords de Paris (COP21) sont respectés et que la hausse globale de la température d’ici 2100 se limite à 1,5-2°C, nous ferions quand-même mieux de nous préparer a des sacrés catastrophes climatiques avant 2030 à 2050, si nous sommes encore en vie d'ici là. Problème : à peine rendu public, cet n-ième rapport du GIEC est déjà à peu près obsolète puisque le consensus scientifique, au vu des efforts fournis par les États, serait une température minimale de 2°C voire 3°C pour la fin du siècle. Et une fois cette limite franchie, le réchauffement climatique entrerait dans une sorte de pilotage automatique qui rendrait futile toute tentative de régulation par l’homme. En d’autres termes, nous avons déjà franchi le seuil de la catastrophe et à cette vitesse, elle sera bientôt tranquillement dans notre salon.

Alors, puisque le grand public est légitimement en droit de paniquer, la presse internationale et une partie des influenceurs de ce monde ont sorti à peu près simultanément, chacun à sa sauce, leur joker. Des appels à l’action citoyenne, d’abord, dans tous les sens : 700 scientifiques réunis sur la une de Libération début septembre pour exhorter, alerter, supplier ceux qui décident pour nous de faire enfin quelque chose de concret : 200 "personnalités" médiatiques ménées par Aurelien Barrau dans les pages du Monde, la semaine précédente, pour froncer les sourcils et nous expliquer : ''qu'il est temps d’être sérieux" comme si le paternalisme d’Alain Delon et consorts avait le pouvoir de réveiller l’Humanité de cinquante ans de somnambulisme.

Autre option, plus proactive celle-ci : ressortir les petits manuels du bon citoyen écolo, la conscience chauffée à blanc par les appels des célébrités. Celui qui, en faisant pipi dans la douche le matin, en mangeant exclusivement des plantes et en lisant attentivement l’étiquette au supermarché tout en boycottant une telle ou telle marque, se coucherait satisfait, se sachant à son échelle contributeur actif d’un monde meilleur. Et puis, pendant qu’on en était à s’étriper sur Facebook, grâce à l’AFP, pour savoir ce qui polluait le plus entre 7 vols transatlantiques en charter et la naissance d’un enfant, l’oligarchie blanche du YouTube francophone a décidé de s’y mettre aussi. Bingo : sur Facebook, la vidéo "Il est encore temps" chiffre plus de 10 millions de vues, le site lancé conjointement cartonne et le 13 octobre, près de 80 cortèges défilaient en Europe pour sauver la planète, un peu amputés en France ces derniers jours par le mouvement des gilets jaunes, alors que la COP 24 à Katowice en Pologne arrive à grands pas.

Il faut voir, sincèrement, cet aréopage de youtubeurs nous expliquer, tout sourires, que le monde n’est pas (encore) perdu et qu’en s’y mettant, à nous tous, on pourra inverser le cours de la catastrophe. Il faut les écouter nous dire que des pétitions en ligne, le boycott, des marches citoyennes et un bon coup de pression sur la classe politique suffiront, à condition de s’y atteler sérieusement. Il faut se frotter les yeux pour y croire. Et se demander quel degré d’inconscience ou quelle quantité de psychotropes il faut posséder pour y croire réellement, après quarante ans d’action citoyenne aux résultats (quasi) nuls et d’accord internationaux piétinés les uns après les autres. Il suffit d’entendre le collapsologue Pablo Servigne, seul au milieu des youtubeurs, avouer que "c’est déjà catastrophique, mais il n’est pas trop tard pour éviter que ce soit encore pire", pour être envahi d’un sentiment de vide profond. Que diront ces mêmes influenceurs dans cinq, dix, quinze ans, quand rien n’aura bougé d’un iota ? Les rapports du GIEC ne servent plus à rien. Les appels sont muets. On continue, pourtant, à appeler. À quoi, au fait ? Au calme, surtout. À la "prise de conscience", d’accord. À l’action, certes, mais pas n’importe laquelle. Démocratique, hein. Non-violente, toujours. Diligente. Bien élevée. Individuelle. Atomisée, puisqu’il ne reste plus rien de l’esprit des luttes collectives du siècle dernier.

Toute la fable du changement individuel se déroule là, sous nos yeux. Le mythe fondateur de l’écologie libérale, qui voudrait résoudre l’équation de la survie de l’espèce en la réduisant à des habitudes de consommation personnelle. Complet hold-up sémantique, qui nous raconte ad nauseam que "l’homme" est à l’origine du réchauffement climatique, ce qui est en partie vrai concernant la destruction de son environnement – il y a même un mot pour ça, "l’anthropocène" – et que la "bonne volonté" suffira à en sortir. En consommant autrement, mais en continuant à consommer tout de même. Une performance de contorsion sémantique à faire pâlir un champion régional de Limbo. Car ce n’est pas "l’homme" en tant que tel – ou son synonyme, "l'activité humaine" – qui bouffe la planète, c’est le capitalisme qu'il a inventé dans un élan de perversion de son cerveau ultime. Le consommateur, lui, n’y est pour rien. Ce sont un demi-siècle d’empilement agressif des richesses, d’exploitation dérégulée des ressources naturelles, de croissance économique à tout prix et de déréglementation des flux de capitaux et de marchandises qui nous ont menés à cette situation désespérée. Notre consommation est la conséquence de ce modèle, en aucun cas sa cause. Sans remise en cause du capitalisme, aucune amélioration climatique n’est envisageable. Mais on a beau chercher chez les youtubeurs, dans les appels des grands quotidiens ou dans les discours des pasionarias de la science dépolitisée comme l’astrophysicien viral Aurélien Barrau, une critique systémique : pas un mot, pas une réprimande, pas même une tape sur les doigts ! Surtout, évitons le sujet du modèle politique et économique. Dans les conversations autour du climat, le capitalisme, c’est le Lord Voldemort – on ne le nomme pas, par crainte de représailles. Pile au moment où les forces en présence devraient être identifiées avec une résolution parfaite, on préfère nous cajoler avec des histoires de conscience individuelle et de bonnes volontés juxtaposées. Quand il s’agit d’esquiver la remise en cause du capitalisme, les efforts de diversion opérés depuis le début du XXIe siècle sont remarquables. Outre les appels à répétition dans la société civile, qui refilent incessamment le fardeau aux consommateurs, le monde entrepreneurial parle désormais très sérieusement, avec des étoiles dans les yeux, de "consomm’action", ''d'économie verte", de ''consomm'acteurs'', ''d'économie circulaire" et d’autres Subutex du profit. Mieux : à Bruxelles, la capitale de la mondialisation néolibérale, on tient des conférences sur la décroissance – attendez, pardon, on dit "post-croissance", maintenant. Comme si la Commission européenne, frappée d’une épiphanie, allait soudainement renoncer à sa raison d’être économique et œuvrer à faire de l’Union une ZAD géante où régneraient le troc et les pailles en carton recyclé. Comme si les lobbies de l’automobile et des énergies fossiles allaient finalement rattraper leurs décennies de dissimulation et de duperie, au nom de la bonne volonté environnementale. Comme si les intérêts économiques immédiats allaient un jour s’effacer devant l’impératif de survie de l’espèce. Comme si les politiques européennes allaient un jour s’attaquer réellement aux industries polluantes et risquer de perdre quelques points de croissance.

Appelez ça comme vous voulez, la "consommation éthique" reste un oxymore. Votre guacamole, votre quinoa ou votre soja sont des désastres environnementaux. La voiture électrique ? On ne vous propose pas d’arrêter de polluer, mais de polluer différemment. Consciencieusement. Mais n’en déplaise aux penseurs de l’économie verte, l’accroissement des richesses et la sauvegarde des écosystèmes, de l’environnement et de la biodiversité sont mutuellement exclusifs. Le problème ne vient pas du mode de consommation, il vient de la nature de la production illimitée et de la distribution des ressources dans un monde limité. Il suffit, pour s’en convaincre, de relire Naomi Klein qui disait déjà tout cela en 2016. Ou un récent rapport, commandité par les Nations Unies et paru le 31 août, qui conclut à la nécessité de mettre fin au capitalisme pour survivre aux conséquences du désastre environnemental. Nous vivons dans un monde où huit personnes possèdent autant que 50 % de la population mondiale82 % des profits générés en 2017 ont bénéficié aux 1 % les plus riches, selon Oxfam.100 entreprises totalisent 71 % de la pollution planétaire annuelle. Où un tiers de la nourriture créée chaque année – soit 1,3 milliard de tonnes – termine à la poubelle. Un monde dans lequel la majorité des habitants vit avec 2 à 10 dollars par jour, mais parvient quand même à épuiser les ressources planétaires annuelles en huit mois. Le modèle que l’on nous offre, sans alternative possible, est le plus toxique qui soit. En Occident, lutter efficacement contre le réchauffement climatique suppose de renoncer volontairement à des siècles de domination économique et diplomatique sur le reste du monde pour une meilleure gestion des ressources. En attendant, le capitalisme menace l’espèce humaine d’extinction. Voilà ce que ces multiples appels devraient marteler, inexorablement, dans la presse internationale. Voilà le propos que nos youtubeurs nationaux devraient porter, avec le même optimisme viral. Pas sûr, cependant, que tout le monde soit prêt à l’entendre. Pour la première fois, la critique du capitalisme dépasse le simple cadre d’une lutte de classe pour devenir une lutte d’espèce. On ne devrait entendre que ça. Mais non. On marche dans les rues le dimanche après-midi, à l’initiative d’un réseau social, avec de jolies pancartes "make the planet great again". On rentre chez soi, en vélo, manger un bon repas vegan. On signe une pétition Change.org contre le glyphosate. On poste sur Facebook son "geste pour la planète", drapé dans sa vertu, avant de s’endormir satisfait. Satisfait d’avoir protesté, calmement, contre la fin du monde. Satisfait d’avoir fait sa part de colibri, jusqu’au prochain appel.

Théoriquement, en restant positif, les objectifs fixés lors de la COP21 pourraient encore être atteints. D'un point de vue du fonctionnement du climat, il n'est pas totalement impossible de contenir le réchauffement de la planète, même à 2°C, mais ce sera très difficile. Cela demande des transitions sans précédent historique. Cela demanderait d'agir extrêmement vite. Il faudrait que les émissions mondiales de dioxyde de carbone baissent de moitié d'ici 2030. Le rapport montre que les solutions technologiques existent. Il y a des leviers d'action à tous les niveaux de la société, que ce soit du côté des Etats, des collectivités, des entreprises ou des citoyens. Mais on montre également qu'il y a des barrières et la plus énorme de toutes s'appelle le CAPITALISME, sans le nommer. Déjà les deux barbus ZZ TOP , Marx et son pote Engels l'ont bien compris il y a un bail. C'est donc un enjeu de gouvernance, de sorte à permettre que ces solutions soient déployées le plus rapidement possible...aie aie aie pas simple, vous avez bien compris, puisque c'est l’affaire de tous...C'est aujourd'hui une question de volonté de toute l'humanité, pas seulement des états les plus riches ou les plus industrialisés faisant partie des plus gros pollueurs et émetteurs de CO2. Ce qui va mettre notre civilisation d'accord, ce sera son déclin, voire sa disparition en majeure partie, son effondrement. Pour l'instant les effets indicateurs ne sont pas encore assez visibles et perceptibles partout et par tous, quand ce sera le cas, il sera déjà trop tard. Nous nous sommes habitué aux annonces catastrophistes sur la biodiversité mais, en un sens, pour nous, tout va encore bien. La destruction continue des écosystèmes n'a que peu d'impact sur notre quotidien. Près de 80 % des insectes auraient disparu en Europe en moins de 30 ans ; les campagnes françaises ont perdu un tiers de leurs oiseaux en 15 ans; 60 % des animaux sauvages ont disparu dans le monde depuis 1970; 50 000 km2 de forêts sont rasés chaque année (deux fois la superficie de la Bretagne); 7 % des espèces auraient déjà été éradiquées, nous faisant entrer à une vitesse record dans la 6e extinction de masse de l'histoire de la Terre. Une fois qu'un écosystème s'effondre, on ne peut plus revenir en arrière !!! On peut imaginer que l’humanité s’en sortirait en partie malgré tout en tant qu’espèce, mais les conditions dans lesquelles elle vivrait relèverait juste de la survie. La biodiversité est aujourd’hui notre meilleure assurance vie! Il y a un trop gros décalage entre l’homme et la nature. Le seul contact qu’ont beaucoup de gens avec elle, c’est au mieux un parc municipal, au pire un arbre sur un trottoir. Plus on lui tourne le dos, moins on sera enclin à la protéger, et les messages culpabilisateurs sur la crise de la biodiversité et du climat ne serviront à rien. Si on montre à quel point la machine-écosystème est belle, à quel point nous en sommes dépendants, et surtout à quel point les systèmes écologiques sont inter-connectés, tout le monde aura peut-être envie de les protéger ! On ne pisse pas dans l’eau qu’on va boire! Un autre problème, la croissance de la population humaine, qui ne va pas soudainement s’arrêter à 8 milliards d'individus. Il faut donc imaginer les politiques de conservation à l’échelle des écosystèmes entiers et non plus seulement à celle des espèces et des humains. Tout cela risque d'engendrer des profondes mutations à l'échelle planétaire, des luttes pour les territoires des migrations climatiques de masse et des guerres pour la survie. Car nous entrons déjà en guerre puisque nous avons dix ans à peine et il faudra peut-être prendre des décisions bien plus radicales pour assurer la survie de notre espèce et celle du vivant. Si la culture dominante, notre civilisation post-industrielle, se dirige tranquillement vers son effondrement, si elle détruit les écosystèmes du monde entier, c’est entre autres parce qu’elle ne considère pas le monde naturel et ses équilibres et ses dynamiques comme primordial. Au contraire, ce qu’elle considère comme primordial, c’est elle-même, son propre fonctionnement, sa croissance, son développement, ses industries, etc. C’est précisément parce que la civilisation industrielle est profondément et fondamentalement narcissique, qu’elle ne se soucie que d’elle-même, qu’elle est amenée à détruire tous les autres (les autres espèces et les autres cultures), tout ce qui n’est pas ELLE. Faisons très attention, car considérer l’effondrement de la civilisation industrielle comme la catastrophe, c’est perpétuer le paradigme destructeur qui le précipite, c’est perpétuer le narcissisme qui est au cœur de ses pulsions destructrices. L’effondrement de la civilisation industrielle est peut-être une solution, pas un problème. La santé de la biosphère est ce qu’il y a de plus important. Au-delà de l’aspect empathique élémentaire qui devrait nous pousser à nous soucier des autres, il s’agit également d’une réalité écologique élémentaire. Nous ne pouvons pas vivre sans un écosystème sain. Au fond, la vraie question que pose l’effondrement de la civilisation industrielle, au-delà de sa datation précise, de sa durée ou de sa vitesse, c’est surtout de savoir si nous, en tant qu’individus, allons souffrir ou mourir de manière anticipée. Projetée à l’échelle des sociétés, c’est la question de la pérennité de notre descendance, et même de notre ''culture''. Notre empathie devrait aussi nous soucier d'autres cultures et d'animaux...du vivant dans son ensemble. Si notre monde et mode de vie occidental s'effondre, ce ne sera pas forcément celui des autres peuples, notamment des peuples premiers qui ont su garder un contact étroit avec la nature et qui, bien au contraire, peuvent en tirer un profit conséquent en se débarrassant de ceux qui les soumettent et les exploitent depuis toujours. Les quelques objets que monsieur tout le monde utilise au quotidien le lient à l’exploitation d’une multitude d’individus et d’endroits du monde (endroits constitués d’autres individus non-humains, végétaux, animaux, etc.), dont il ignore à peu près tout, et que de cette ignorance des conséquences réelles de son mode de vie découlent les horreurs les plus diverses et les plus insoupçonnées. Il nous suffirait d’examiner la fabrication d’un téléphone portable, d’une télévision, d’un t-shirt Nike, d’une simple brosse à dent ou encore d’un ballon de foot, d’une voiture ou de n’importe quel objet produit en masse, de n’importe quelle infrastructure industrielle, pour trouver d’innombrables destructions environnementales et asservissements sociaux. Actuellement et dans les années à venir, le développement ''salutaire'' des technologies dites ''renouvelables '' (solaire, éolien, barrages, biomasse, etc.) et des hautes-technologies en général engendre déjà et continuera à engendrer une intensification, un accroissement, des pratiques extractivistes et de l’exploitation des ''ressources naturelles'' en général. Au nom donc, de la ''croissance verte '' et/ou du ''développement durable'', qui correspondent à une aggravation significative de l’impact environnemental de la civilisation industrielle. Entre autres, parce que le solaire et l’éolien industriels requièrent des métaux et minerais rares que l’on trouve en quantité limitée et en certains endroits du globe uniquement. L’extraction, le traitement et l’exploitation de ces matières premières génèrent d’ores et déjà une catastrophe écologique. Les États du monde et leurs dirigeants à la botte des lobbys capitalistes (PDG et politiciens) connaissent ces problèmes écologiques et s’en moquent éperdument – c’était attendu. Les dirigeants étatiques savent que cela risque de créer de nouveaux conflits internationaux. Ils se disent prêts à affronter cette éventualité, ainsi qu’on peut le voir dans un rapport d’office parlementaire publié sur le site du sénat et intitulé '' Les enjeux stratégiques des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques ''.

De manière globale, la militarisation du monde va croissante, également à cause des prévisions concernant les migrations humaines massives que les changements climatiques vont engendrer, et des pénuries ou épuisements à venir ou de différentes ressources stratégiques (dont la terre elle-même, dont l’eau, etc.). Les injustices massives vont perdurer et s’accentuer. Plus que jamais, si nous voulons défendre le monde naturel contre les assauts qu’il subit et qu’il subira au cours des décennies à venir, nous avons besoin d’une résistance organisée, qui assume une conflictualité délibérée vis-à-vis de l’État, même si résister, c'est déjà trop tard. Il faudrait commencer par les en empêcher par tous les moyens avant d'entrer en résistance. Les initiatives d’individus du monde riche cherchant à augmenter la résilience de leurs communautés (façon villes en transition) à l’aide de panneaux solaires et d’éoliennes industriels ne feront qu’appuyer l’extractivisme des États et des corporations et l’exploitation d’esclaves modernes à travers le globe et surtout dans les pays pauvres ou émergents. Nous ne savons pas quand un effondrement se produira. Mais nous savons qu’actuellement les choses vont déjà très mal et qu’elles vont empirer, pendant un certain temps. Pour celui qui se bat contre l’agrégat d’exploitations et d’injustices qui compose la civilisation industrielle capitaliste, la perspective de son effondrement n’est qu’un espoir distant. De même que pour celui qui se bat contre l’accumulation des destructions écologiques qui la compose. Pour eux, l’effondrement constitue un évènement attendu avec impatience. Ce qui nous amène là, c’est un consumérisme stupide qui ne rend même pas les gens heureux. À l’origine, les fruits de la croissance étaient l’augmentation du bien-être, la réduction des inégalités, le plein-emploi, la société des loisirs. Aujourd’hui, la croissance est complètement disjointe de ces fins. La croissance nous amène à la ruine, sans plus nous livrer ses fruits. Nous aurons une planète plus difficilement habitable, et tout cela pour, finalement, un leurre ou en tout cas une machine qui désormais s’emballe et n’accroît que les intérêts financiers du capital d’une petite minorité mondiale. La difficulté qu’on a à agir tient à deux raisons. La première raison, c’est que tout notre système capitaliste de production poussant à la consommation crée la catastrophe. C’est systémique. Notre système politico-économique est un système dopé à la croissance et à l'emballement. C’est la totalité du système qui déraille. La deuxième difficulté, c’est que nous sommes vraiment coincés par le temps. Si nous voulions, par exemple, avoir une chance de rester sous les 2°C d’augmentation à la fin du siècle, il faudrait dès maintenant réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 4% par an, alors qu’elles augmentent de 2% environ. C’est énorme. Et ce, tous les ans ! Dans un premier temps, c’est peut-être plus facile, mais ensuite nous commencerons à entrer dans le dur et les changements auront des conséquences plus importantes. C’est le défi et c’est normal que cela soit difficile, puisque le temps nous presse. Donc essayer d'avancer par les petits pas comme le font les décideurs, c’est absurde. Il faudrait considérer que nous sommes dans une économie de guerre. On l’aura quand les manifestations deviendront très sensibles et nous entrerons dans un radicalisme politico-écologique car il n'y aura aucune autre issue. La civilisation dans laquelle nous sommes est déjà extrémiste. Elle nie le vivant et le détruit en masse. Ce n’est pas fantasque de l’affirmer: toute la littérature scientifique démontre que nous détruisons les conditions de vie sur Terre aujourd’hui. Donc cette civilisation est extrémiste. C’est le cœur du système même qui est extrémiste et délirant. Ce système qui, s'il veut se préserver, doit inévitablement changer des règles et quand le politique change les règles, les effets sont massifs. Et seul le politique peut avoir des effets massifs, sauf l'effondrement lui-même, bien sûr. Mais il ne le veut, évidemment, absolument pas ! Les gens sont, la plupart du temps, biberonnés à l’économie néoclassique et à l'addiction qui est le cœur de ce système. Les personnes engagées dans une démarche de résilience et de décroissance n’ont pas le même genre de frustration. Notre modernité a toujours considéré que la Nature n’était rien. C’est un capital naturel que l’on peut détruire indéfiniment et que l’on remplace par du capital technique et de la technologie. Nos dirigeants sont imprégnés de cela, donc nous avons déjà un problème culturel. A cela s’ajoute un problème d’intérêts économiques et privés contre l’intérêt écologique général. Une petite minorité d’entreprises ou de citoyens, environ 10% des gens, émet 50% des gaz à effet de serre, tandis que 50% de la population mondiale n’en émet que 10%, selon encore un rapport d’Oxfam de 2015: cela montre la situation dans laquelle nous sommes. Je pense que nous allons vivre quelque chose de si terrible que cela va franchement guérir l’humanité d’un certain nombre de tendances fâcheuses. En tout cas c’est une des possibilités et peut-être plutôt un espoir. Le même que les peuples premiers, ceux qui souffrent depuis des siècles et sont essorés par le capital. Nous pouvons être très inquiets pour les décennies à venir car nous voyons bien que ça grippe depuis longtemps. Il faudra être très vigilants et surtout intransigeants pour que l’on puisse changer vraiment les choses; si on commence à les changer substantiellement, ce sera plutôt dans la décennie suivante. Or, si tel est le cas, le risque de dérive vers une planète chaude est probable. Et une planète chaude, ce n’est plus qu’un milliard d’humains dessus vers la fin du siècle. Toute la difficulté, c’est qu’il y a une incertitude énorme sur nos marges d’action, sur ce que l’on va réussir à faire dans les dix années à vennir. Et ces dix ans seront totalement décisifs. En écoutant les discours des uns et des autres, des climato-sceptiques comme des climato-convaincus, le constat est alarmant à plus d'un titre et l’impression qui s'en dégage est que l’on ne fera rien ou pas grand chose, en tout cas. Mais nous devons garder la possibilité de faire un maximum pendant ces dix ans et à une échelle globale !!! Appelez cela de l'espoir ou de l’optimisme si vous voulez.

Là où le pessimisme s’impose, c’est que même avec cet espoir, ce sera très difficile. On n’échappera pas à une phase très sombre. Même pour cette partie de l’humanité qui a vécu de façon très simple, mais cependant facile pendant quelques générations et qui ne jure aujourd'hui que par le pouvoir d'achat confondant les fins avec les moyens, la surprise va être assez rude. Les seules pistes qui nous semblent réalistes à exploiter à ce jour pour parvenir à une hypothétique stabilité climatique et une écologie libérée indispensable sont: la décroissance rapide, soutenue et globale et les mouvements citoyens radicaux à l'instar de celui des XR (Extinction Rebellion) ou celui des peuples premiers. Le salut de notre civilisation s'y trouve peut-être...


 


 


 


 

 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 

 

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