Vers une transformation écologique "soft" de la société postindustrielle

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La modification du climat par l'humain ne serait pas seulement due à l'extraction en masse de charbon, de pétrole et de gaz pour des usages non essentiels à la survie de l'humanité, mais également à des activités vitales telle l'agriculture. Celle-ci pèse aujourd'hui pour 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En outre, la destruction de la biodiversité qu'implique la mise en culture intensive ou le pacage des animaux sur des espaces toujours plus étendus depuis le néolithique. ''2/3 des surfaces terrestres sont utilisées par l'agriculture, 75 % de la surface des continents sont altérés par l'humain, 13 % seulement des océans ne sont pas impactés par les activités humaines, 70 % des zones humides ont été détruites depuis 1970'', dénonce ainsi l'organisation non gouvernementale World Wildlife Found (WWF) dans son Indice planète vivante de 2020. Le nombre de vertébrés sauvages, lui, a baissé de 68 % depuis 1970. "Aujourd'hui, 97 % de la biomasse animale est composée des humains et de leurs animaux d'élevage, il ne reste plus que 3 % de biomasse sauvage" ! Conclusion : Homo sapiens détruisant son environnement depuis toujours a achevé sa conquête du monde et bute sur ses limites. Pour la première fois de son histoire, il en a pris conscience. Depuis le sommet de Rio, en 1992, et l'adoption des conventions internationales sur la biodiversité, le climat et, en 1994, la désertification, la communauté internationale tente de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de freiner les destructions d'espèces animales et végétales. Cesser d'être pyromane, viandard, destructeur : c'est bien la nature humaine qu'il s'agit de changer.

Depuis que l'humanoïde s'est mis débout, s'est outillé et armé, sa motivation est simple : créer des espaces ouverts, plus favorables à la chasse, à la quête de plantes comestibles et aux déplacements à la conquête de nouveaux territoires. Cette hypothèse a été largement confortée par la datation de couches de cendres dans les sols. Pour les chercheurs, les incendies volontaires constituent par ailleurs l'une des plus anciennes modifications du climat par l'humain. Le CO2 stocké par les arbres a en effet été relâché dans l'atmosphère en grande quantité, provoquant une augmentation des teneurs de gaz à effet de serre. L'image idyllique d'hommes grappillant ici quelques baies, prélevant là un mammouth après une chasse valeureuse et respectueuse de l'animal, ce paradis n'a jamais existé. Nos ancêtres chasseurs-cueilleurs ont utilisé tous les moyens disponibles pour éliminer les obstacles s'opposant à leur volonté y compris le feu, massacrant au passage des animaux à coup de massue, lances ou flèches. Les chasseurs-cueilleurs ont mis le feu à leurs paysages partout dans le monde, sur tout type de végétation à l'exception de la toundra. Là encore, pour ouvrir des chemins et mieux communiquer, mais aussi augmenter la productivité des plantes, attirer les animaux, bruler des territoires ennemis et même, c'est une hypothèse…pour s'amuser ! Cette déforestation sur plusieurs millénaires a provoqué des rétroactions en cascade. L'augmentation de CO2 dans l'atmosphère a contribué à réchauffer les océans et l'atmosphère, et stoppé la croissance des glaces des pôles. Par rapport à une évolution naturelle du climat, pilotée par le seul rayonnement solaire, l'activité humaine aurait augmenté la concentration en CO2 de 40 ppm (parties par million de molécules de CO2 par mètre cube d'air). L'affolement climatique est un symptôme qu'il faut traiter d'urgence. Selon William Ruddiman*, les émissions préindustrielles anthropiques (de -10.000 ans à 1750) se sont élevées à 343 milliards de tonnes, dont 300 ont été absorbés par les océans, le couvert végétal terrestre et les tourbières. Cet excédent de 43 milliards de tonnes représente le volume émis tous les ans par les 7,8 milliards d'humains d'aujourd'hui…

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Protéger l'environnement pour la survie de l'humanité est aussi une obligation absolue. Les philosophes et autres idéalistes usent plutôt d'arguments sur la nécessité de tendre vers plus de bonté, d'empathie, de sagesse et de morale. Les écologistes demandent davantage de frugalité et de sobriété. Les alarmistes, eux, tentent de convaincre en annonçant la catastrophe, bien réelle, qui se profile, et qui a d'ailleurs déjà lieu en de nombreux points du globe. Les jeunes générations, enfin, parlent de l'angoisse due au manque de perspective concernant leur futur. Force est de constater que toutes ces rhétoriques, aussi pertinentes soient-elles, ne suffisent pas à améliorer la situation. Bien souvent, ces discours ne sont compris que dans les cercles d'où ils sont issus et ne prêchent que des convaincus. On voit bien que notre société ''moderne'', hormis la parenthèse forcée que nous impose la crise du Covid-19, continue irréversiblement à polluer l'athmosphère, la terre et les océans, à détruire la biodiversité, à piller les ressources mettant ainsi en danger sa propre survie. Alors que faut-il faire pour, enfin, basculer vers une société durable à durabilité forte, capable de subvenir à ses besoins sans compromettre ceux des générations à venir ? Il nous faut harceler les dirigeants, ceux qui ont le pouvoir de changer la donne, en les sortant des discours de vœux pieux et autre bla bla. Car il ne suffit pas de souhaiter quelque chose, si juste que ce soit, pour que cela se réalise. À l'évidence, ce ne sont ni les philosophes, ni les prophètes, ni les scientifiques et autres écologistes qui décident de la marche du monde. Les individus volontaristes pissants sous la douche non plus. On peut le déplorer, mais cela ne change rien à l'affaire. Aujourd'hui, ce sont principalement les acteurs économiques et politiques qui tiennent le gouvernail, et ce sont eux que nous devons embarquer sur la voie vers la nécessaire révolution écologique, économique et sociale, les convaincre où même les contraindre par tout moyen à un changement radical. Faire évoluer le système actuel arrivant à son point de bascule et qui, de toute façon, s'essoufflera et s'autodétruira dans le temps. Une chose est certaine : ce n'est ni par bonté, ni par amour de la Planète, ni par altruisme que nous réussirons à les convaincre de le changer. Nous devons donc faire l'effort, les garder sous pression permanente et apprendre à parler leur langage : en matière de profit, de création d'emplois et de réélection...

Le passage d'une société polluante, inefficiente, basée sur la surexploitation de ressources limitées, produisant une quantité aberrante de gaspillage et créant de profondes inégalités vers une société durable forte et plus juste est l'opportunité économique et industrielle du siècle.

Imaginons un instant le potentiel que représentent :

- la construction de bâtiments neutres en carbone et la rénovation énergétique des logements anciens

- la conception et production de véhicules non polluants, tant sur la route et dans les airs, que sur les océans

- le développement d'une économie circulaire sociale, solidaire et vertueuse avec valorisation de déchets

- la production d'énergies à zéro émission ainsi que leur stockage et le transport

- la transition vers une agriculture raisonée, saine et responsable

- la transition vers une éthique environnementale remettant la nature au centre (biocentrisme)

Ce sont potentiellement des milliers de milliards de dollars d'opportunités économiques pour les entreprises, le secteur financier et industriel, et des millions d'emplois créés. Un rapport des chercheurs de la Commission mondiale pour l'économie et le climat chiffrait que des actions ambitieuses en faveur du climat pourraient générer 26.000 milliards de dollars de gains économiques et plus de 65 millions d'emplois ! N'est-ce pas plus motivant pour les climatosceptiques que des incitations à la sobriété et la décroissance même s'il en faut ? N'est-ce pas logique avant même d'être écologique ?

Une fois présentées les opportunités économiques, il est également primordial de mentionner les risques liés au statu quo : ceux qui ont massivement investi dans les énergies fossiles ont dû avoir une bien mauvaise surprise lorsque le prix du pétrole est momentanément devenu négatif en septembre, même si aujourd'hui il flambe à nouveau ? Et que se passera-t-il quand demain il deviendra illégal de financer des activités qui polluent l'atmosphère en raison des millions de morts que cela entraîne, tout comme il est interdit de financer le trafic de drogue, ce fléau dont on parle tant en ce moment ? Quand la pollution sera taxée à outrance ? Pour les grandes entreprises, il existe également un risque indéniable pour leur image. À l'heure des réseaux sociaux, les campagnes contre les principaux pollueurs de la planète qui bafouent les droits humains font de gros dégâts. Rappelons-nous les campagnes contre les conditions de travail inhumaines des sous-traitants de grandes marques de sport dans les années 2000 : voyant leur chiffre d'affaires diminuer et leur image se ternir, elles avaient été forcées de changer leurs pratiques.

Les décideurs politiques et économiques, les gens qui ont aujourd'hui le pouvoir entre leurs mains sont obligatoirement avertis et alertés par les sommets climatiques, les G20 / 15 / 7 et les COP comme celle qui s'ouvre à Glasgow, ils ne sont pas tous fondamentalement contre la protection de l'environnement. Bien sûr, quelques-uns, le 1% des plus riches, sont aveuglés par l'appât du gain et le profit à court terme, atteints d'un égoïsme qui relève presque de la psychopathie, mais ce devienne des exceptions. La vaste majorité voudrait bien faire, mais doit composer avec des nécessités qui ne sont pas les mêmes que celles des écologistes, des jeunes, des philosophes ou des scientifiques. Ils ont des emplois à créer ou à sauvegarder, des actionnaires à contenter, des électeurs à satisfaire, des usines à faire tourner... Et c'est avant tout à l'aune de ces priorités qu'ils prennent leurs décisions. Alors si la société civile et les citoyens n'arrivaient pas à les convaincre et encore moins à les contraindre, il restent deux solutions : où ce sont les pouvoirs suprêmes d'institutions planétaires tel que l'ONU qui les obligeraient par des lois et des sanctions à se plier ou alors créons et offrons-leur des alternatives qui soient crédibles et inspirantes, qui servent leurs intérêts immédiats et ceux de la société sur le long terme sans se contenter d'un ''green washing'' d'économie verte ou de son verdissement bidon. L'ONU ne possède pas encore des outils juridiques efficaces et des pouvoirs de contrainte et n'y arrivera sans doute pas dans l'immédiat, alors que le temps presse.

Il faudrait déjà commencer par détruire les lobbys industriels, ensuite passer de l'idéalisme, de l'utopie ou de la contestation à un certain réalisme positif. Cela pourrait être le moyen de basculer notre société dans un nouveau modèle de croissance au XXIe siècle : une croissance qualitative, efficiente et rentable, plutôt que quantitative, polluante, destructrice et coûteuse.

Cop 26 final

* William F. Ruddiman (8 janvier 1943 à Washington, D.C.) est un paléoclimatologue américain, professeur émérite de l’université de Virginie. En dehors des milieux scientifiques, il est connu principalement pour sa théorie, dite hypothèse Ruddiman, sur l’ancienneté du réchauffement climatique anthropique dont il fait remonter l’origine aux débuts de l’agriculture, et qui aurait évité ou retardé le retour de la glaciation.

Sources: Futura Planète / Sciences et Avenir

 

EFS

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