GES / G-20 / COP 24
- Le 29/11/2018
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En fin de 2015 nous en étions à 2mille milliards de tonnes de CO2 émis ces derniers 100 ans, ce qui nous a conduit à un réchauffement de 1,5°C, la base minimale à maintenir actée par l'accord de Paris signé par 195 pays et dont les USA de Trump se sont retirés. A ce jour, 147 pays sont allés au bout de leur processus de ratification. Parmi les grandes économies, la Russie et la Turquie manquent à l'appel. L'objectif central de l'accord consiste à contenir l'augmentation de la température moyenne en deçà de 2 degrés, tout en s'efforçant de limiter cette augmentation à 1,5°C degré d'ici la fin du siècle. C'est déjà atteint et donc derrière nous. Regardons devant: si nous ne voulons pas dépasser 2°C dont il est aujourd'hui question, ce que physiquement est encore possible, il faut se limiter à 3mille milliards de CO2 émis (dont 2mille milliards ont déjà été dépensés), ce qui nous laisse le droit à mille milliards de tonnes jusqu'en 2100. Le crédit carbone de la génération actuelle des 30 ans est donc aujourd'hui de 1/6 ème de ce que leurs parents et les grands parents ont eu en prenant en compte l'augmentation de la démographie qui en 3 générations s'est multiplié par 3. C'est ça les 2°C !!! Il faudra alors rendre les émissions de CO2 nulles dans toute la deuxième moitié du 21ème siècle et il faudra les avoir divisé par 3 d'ici 2050 si nous voulons y parvenir ! Actuellement en comptant l'ensemble des gaz à effet de serre (GES) produits lâchés dans l'atmosphère par notre civilisation: 21,7% viennent du fossile énergétique (charbon+pétrole), 16,8% de l'industrie, 14% du transport, 12,5% de l'agriculture, 11,3% de l'extraction et distribution d'énergies fossiles, 10,3% du bâtiment (chauffage+clim), 10% de la biomasse et déforestation et 3,4% du traitement des déchets. En production d'énergie : 78,4% fossile, 19,3% renouvelable et 2,3% nucléaire. Le fossile représente donc 2000 gigawatts d'énergie à mettre aux oubliettes dans les 35 ans à venir et les remplacer par les sources non-carbonées si nous voulons garder cette limite des 2°C. Autant de vous dire que nous sommes déjà, à l'ouverture de la COP24, très loin de cet objectif. Les émissions de dioxyde de carbone (CO2) du G20 (80% des émissions de gaz à effet de serre de la planète) ont augmenté de 2% en 2017 après avoir stagné pendant trois ans. Dans le détail, la Russie (+ 4,8%) et l'Inde (+ 3,9%) font partie des mauvais élèves. De son côté, l'Europe a vu ses émissions de gaz à effet de serre augmenter de plus de 2% en 2017. Parmi les gros émetteurs que sont l’Europe, la Chine et les Etats-Unis, les meilleurs élèves sont encore les Américains parce qu’ils effectuent ces dernières années une transition du charbon vers le gaz, ce qui pèse moins sur leurs émissions. Du côté de la France, selon Eurostat, les émissions de CO2 ont augmenté de 3,2% en 2017 par rapport à l'année précédente. La moyenne de l'ensemble des pays de l'Union Européenne s'établit à + 1,8%. Les populations vont continuer à croitre et avoir recours à des énergies fossiles car les moins chères à produire avec une technologie déjà en place, même si non durables et responsables des changements climatiques d'envergure, surtout le charbon. Et quand on sait que le prochain sommet sur le climat COP24 qui s'ouvre ce dimanche à Katowice en Pologne est parrainé par le groupe polonais JSW, le premier producteur de charbon à coke dans l'Union européenne, on a le droit de se poser quelques questions. Pour résumer la situation : pour le 1,5°C c'est déjà foutu, pour le 2°C c'est pratiquement loupé et il devient extrêmement improbable de maintenir le réchauffement planétaire sous la barre des 4°C, d'ici 2100.
Seule une insurrection des sociétés civiles peut nous permettre d’éviter le pire
Nous tous, en tant que citoyens, sommes donc sous la menace d'un effondrement probable. Des bouleversements sociaux, économiques et géopolitiques majeurs seront enclenchés et ne vont faire que s’accélérer. Comment peser sur la nature de ces changements tels que migrations de masse, émergence d’un ''capitalisme écofasciste'', la famine, l'effondrement de la biodiversité, risque de conflits pour les ressources, des guerres civiles attisées par les fanatismes xénophobes ou religieux, des guerres de clans dans un monde dévasté? Ce qui nous menace est une crise climatique à gérer avec des ''solutions'' à trouver rapidement. Comment alors réguler la mondialisation économique dans la perspective d’un effondrement du monde dans lequel nous vivons, celui de la civilisation industrielle mondialisée issue de cinq siècles de capitalisme ? Les ''collapsologues'' préfèrent définir l’effondrement comme l’extinction de l’espèce humaine. Même avec le pire scénario climatique et écologique, cette perspective reste une hypothèse relativement improbable. Étant donné l’interconnexion de l’économie mondiale, on peut étendre l’hypothèse à celle de l’effondrement d’un système : la civilisation du capitalisme industriel et sa culture consumériste, civilisation aujourd’hui globalisée même si les disparités sociales et territoriales restent majeures. Quels moyens avons nous donc pour contrecarrer une telle perspective ? Une mobilisation massive des sociétés civiles et des victimes du changement climatique face aux dégâts de l’actuelle ''mondialisation'', une insurrection éthique et politique contre toutes les attaques faites contre le vivant et la dignité humaine, la désobéissance civile et citoyenne ou bien un basculements révolutionnaire vers des sociétés du bien-vivre et de l’autonomie peuvent contrer ce scénario d’un capitalisme écofasciste. Seul le volontarisme politique, pressé par une insurrection des sociétés civiles, peut permettre d’éviter le pire.
Actions en justice
Un autre moyen pour parvenir à limiter les dégâts sont les actions en justice. Emissions de gaz à effet de serre responsables du changement climatique, déforestation, pollution de l’eau, de l’air ou des sols, ou encore utilisation massive des ressources… les activités provoquées par les entreprises peuvent porter atteinte au droit des populations à disposer d’un environnement sain. Ce droit commence à être reconnu en tant qu'un droit en devenir.
Les entreprises qui contribuent au réchauffement climatique, à la pollution de l’air, de l’eau et des sols et à la raréfaction des ressources peuvent ainsi violer ce droit reconnu progressivement comme un droit fondamental. Ce droit, dans lequel on peut inclure le droit à l'eau, à l'air pur, à la jouissance de paysages, aux bénéfices de la biodiversité – en somme à la vie dans des conditions environnementales saines – commence à être reconnu en tant que droit fondamental de la personne humaine. Une reconnaissance qui trouve son origine dans la Déclaration de Stockholm sur l'environnement humain, adoptée en juin 1972 : "L'homme a un droit fondamental à la liberté, à l'égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d'améliorer l'environnement pour les générations présentes et futures."
Ce principe a notamment été repris dans la convention 169 de l'Organisation internationale du travail, relative aux peuples indigènes dans les pays indépendants. Celle-ci invite les États à prendre des mesures spéciales pour sauvegarder l'environnement de ces peuples. En France, la Charte de l’environnement, adoptée le 28 février 2005 par le Parlement à plus de 95% des suffrages, reconnait pour la première fois en droit français un droit à chacun de pouvoir bénéficier d’un environnement sain et respectueux de la santé. Plus récemment, ''La loi biodiversité'' adoptée en juillet, a inscrit le préjudice écologique dans le code civil. En vertu de la règle du pollueur-payeur, il oblige le responsable d’un dommage à l’environnement, quel qu’il soit, à le réparer "par priorité en nature" ou, à défaut, à acquitter des dommages et intérêts. "Il s’agirait là d’une démarche juridique complètement inédite qui s’inscrit dans un mouvement citoyen visant à demander des comptes à la justice pour les dégradations environnementales qui constituent des violations des droits fondamentaux, comme celui de vivre dans un environnement sain ou encore le droit à la santé." Au niveau international, si aucun traité contraignant de l'ONU en matière de droits de l'Homme ne prévoit à ce jour un droit spécifique à un environnement sain, on observe, dans l’interprétation des droits humains existants, des éléments de protection pouvant contenir certaines exigences en matière de conditions environnementales. Reste toutefois le problème de la réparation et de la remise en état de l’environnement affecté, qui représente encore souvent une bataille à mener pour les communautés locales, mais les résultats commencent à venir.
En janvier 2015, au terme d'une bataille juridique de trois ans, Shell a accepté de verser 70 millions d'euros à la communauté Bodo du Niger, touchée par deux importantes fuites de pétrole en 2008. En mai 2016, une vaste campagne de sensibilisation a permis de faire adopter une mesure interdisant les grandes opérations d’embouteillage d’eau à la multinationale Nestlé à Cascade Locs dans l'Orégon. La même chose à Warm Springs où la prise de position du Gouverneur de Californie est le résultat d’années de contre-pouvoir et de militantisme local. Particulièrement touchées par les conséquences du réchauffement climatique, les Philippines, en tant qu'Etat, viennent de marquer un premier pas dans la reconnaissance des populations à disposer d’un environnement sain. Le 27 juillet dernier, la Commission des droits de l’Homme locale a porté plainte contre 47 entreprises pour leur contribution au dérèglement climatique. Parmi elles, les Français Total et Lafarge, mais aussi d’autres grandes multinationales comme Chevron, ExxonMobil, BP, Royal Dutch Shell ou encore Glencore. La dernière victoire date d'août 2018 lorsque le géant de l'agrochimie Monsanto a été condamnée aux États-Unis à verser 290 millions de dollars à Dewayne Johnson, un jardinier atteint par un lymphome non hodgkinien incurable et qui pourrait créer un précédent : l'individu contre le pollueur.
La prochaine grande et urgente bataille citoyenne à délivrer sera l'inscription du ''Droit à l'environnement sain'' dans l'article 3 de ''La Déclaration universelle des droits de l'homme''.